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Masculin mystique : la place des hommes dans l’occultisme moderne

Dans les cercles spirituels contemporains, un phénomène frappe rapidement l’observateur attentif : les hommes y sont nettement moins représentés que les femmes. Cercles de lune, stages de guérison énergétique, lectures de tarot, initiations chamaniques… bien que souvent ouverts à tous, ces espaces sont majoritairement fréquentés, animés, voire structurés par des femmes. Cette asymétrie soulève une question profonde et peu souvent abordée : quelle est la place du masculin dans l’occultisme et la spiritualité modernes ?

Origine : l’occultisme, un domaine historiquement mixte… mais ambivalent

Historiquement, les figures masculines ont occupé des rôles majeurs dans l’occultisme occidental :

  • Alchimistes, mages, kabbalistes, hermétistes : Cornelius Agrippa, Paracelse, Aleister Crowley, Papus, etc.

  • Fondateurs de systèmes magiques ou ésotériques codifiés, souvent dans des loges masculines fermées (Rose-Croix, Franc-maçonnerie, Golden Dawn).

Mais dans la culture populaire et religieuse, l’homme mystique est resté une figure marginale ou secrète, tandis que la femme spirituelle a longtemps été diabolisée sous l’étiquette de “sorcière”.

Avec les mouvements féministes et néopaïens des années 1970, s’opère un renversement symbolique : la sorcière devient une héroïne, la spiritualité se féminise, le féminin sacré émerge comme source de guérison collective.


Évolution : quand le sacré se féminise

Aujourd’hui, la majorité des espaces ésotériques — en particulier dans le milieu francophone et occidental — sont habités par des femmes. Pourquoi ?

Quelques hypothèses :

  • L’émancipation spirituelle comme réponse aux oppressions patriarcales : les femmes trouvent dans l’ésotérisme un lieu où elles peuvent explorer leur pouvoir intérieur en dehors des normes religieuses ou sociales traditionnelles.

  • Une culture de l’intuition et du soin souvent associée (à tort ou à raison) au féminin.

  • Des tabous persistants autour de la vulnérabilité masculine, qui freinent certains hommes à s’investir dans des pratiques jugées “émotionnelles”, “irrationnelles” ou “non scientifiques”.

Les rares hommes présents dans ces cercles se retrouvent parfois en porte-à-faux : soit glorifiés comme “guides spirituels”, soit invisibilisés dans une dynamique inversée de déséquilibre.



Vers un renouveau du masculin sacré ?

Depuis quelques années, on assiste à l’émergence de mouvements visant à revaloriser le masculin sacré :

  • Cercles d’hommes, retraites initiatiques, mentorats symboliques.

  • Réintégration de figures mythiques masculines comme l’Hermès, le chaman, l’archétype du roi, du guerrier, du père ou du magicien.

  • Questionnements autour de la guérison du masculin blessé, des modèles de virilité toxiques, et de la spiritualité incarnée au masculin.

Mais cette démarche reste minoritaire, parfois mal perçue ou peu mise en lumière. Le défi est double :

  1. Créer des espaces où les hommes puissent explorer leur sensibilité spirituelle sans être ridiculisés ou stigmatisés.

  2. Éviter de reproduire des systèmes de domination, même dans des contextes spirituels.


La faible présence des hommes dans les sphères spirituelles contemporaines ne relève pas d’un simple hasard, mais reflète des enjeux sociaux, culturels et symboliques profonds. Si l’ésotérisme a permis aux femmes de réinvestir leur pouvoir spirituel, il laisse entrevoir, pour les hommes, un terrain encore en friche, traversé de résistances, de blessures invisibles et de quêtes non exprimées.

Réintégrer le masculin sacré ne signifie pas restaurer une hiérarchie ancienne, mais créer un espace d’équilibre, où chaque genre puisse explorer le mystère à sa manière. Cela suppose de repenser le lien entre vulnérabilité, intuition, autorité intérieure et spiritualité, en dehors des cadres rigides du patriarcat ou du rejet réactionnaire.

Car au fond, l’occultisme — dans sa plus haute vocation — n’est ni masculin ni féminin : il est l’art d’unir les polarités, de réconcilier les forces, de transcender les rôles, pour que chacun puisse y trouver une voie vers soi.



Bibliographie et sources

  • Eliade, Mircea. Le Chamanisme et les techniques archaïques de l'extase. Payot, 1951.→ Pour comprendre la genèse de la figure du chamane dans les traditions ancestrales, souvent masculine.

  • Robert Bly. L’Homme sauvage et l’enfant : retour aux sources du masculin. J'ai Lu, 2001.→ Un ouvrage fondateur du mouvement des cercles d’hommes modernes.

  • Jean-Philippe de Tonnac. Le Cercle des hommes : Enquête sur une masculinité en mutation. Albin Michel, 2012.→ Exploration sociologique et spirituelle du renouveau du masculin.

  • King, Warrior, Magician, Lover: Rediscovering the Archetypes of the Mature Masculine, de Robert Moore & Douglas Gillette (1990).→ Archétypes masculins appliqués aux démarches initiatiques et ésotériques.

  • Starhawk. Rêver l’obscur : femmes, magie et politique. Cambourakis, 2015.→ Pour comprendre l’émergence du féminin sacré et en miroir, l’évolution du masculin spirituel.

  • Lucien Millot. L'homme chamanique : vers une réconciliation du masculin et du sacré. Autoédité, 2019.→ Témoignage et réflexion contemporaine sur les hommes dans les pratiques spirituelles actuelles.

  • Articles & sources en ligne :

    • « Pourquoi les femmes sont-elles plus présentes que les hommes dans la spiritualité ? » – La Vie (revue spirituelle)

    • Podcast « Sacred Sons » (en anglais) – collectif de cercles d’hommes et de rituels masculins.

    • Conférences TEDx : Reclaiming the Sacred Masculine, The Mythopoetic Men’s Movement.

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